Une pédagogie interculturelle de transformation sociale

Publié le par ufr zero

Créé sur la lancée de mai 68 par Edgar Faure, le Centre Expérimental Universitaire de Vincennes – Vincennes  s’est donné pour mission de se "projeter dans le monde", d'être en prise et d’avoir prise sur le monde contemporain. Cette façon de penser l'université a transformé la communauté universitaire aussi bien dans ses objectifs et ses axes de recherches, que dans ses méthodes d'enseignement. Le projet fondateur de Vincennes était politique, et les formes que l’enseignement y a prises se déduisaient, pour une grande part, des options politiques initiales.

Le dispositif de pédagogie de projet présenté ici s’inscrit dans une dimension résolument politique (1). ll est enraciné dans un contexte – l’université de Paris 8 –, est porté par des auteurs-acteurs, des étudiants dont les interventions sociales sont hors du champ clos du cours et de l’espace universitaire. Ce dispositif a été conçu par une enseignante et ses étudiants dans les années 70 (2) pour créer un lieu de parole où les connaissances des uns et des autres entreraient en interaction, se testeraient, se façonneraient, feraient naître de nouvelles pistes, prendraient le risque de s’altérer mutuellement. Il s’est en effet agi d’inventer de toutes pièces une pédagogie de l’action, développant une conscience critique, invitant à l’innovation, à la recherche et à la création. Ainsi est née l’idée de montage de projets collectifs en prise sur le milieu institutionnel. C’est en interagissant dans le milieu qu’on en acquiert le langage, condition sine qua non pour s’y insérer et y agir. Comme le dit à juste titre Paulo Freire, “ La parole est toujours l’unité dialectique entre action et réflexion, entre pratique et théorie, l’éducateur n'étant pas au service d’une “ science neutre ” et d’une pédagogie apolitique, mais d’une praxis pour la transformation sociale ”.

L’an dernier René Schérer, dans une conférence à Paris 8 (3) rappelait que, pour Gilles Deleuze, “ apprendre n’est pas reproduire, c’est inaugurer, inventer du non encore existant, ce n’est pas se contenter de répéter un savoir ”. Il faut “ défaire les appareils de savoir ” et entrer dans des  “ devenirs ”  qui commandent et jalonnent toute création. Deleuze “ nous a appris à nous porter d’emblée sur l’Idée et le problème auxquels l’apprendre est directement associé. Les idées ne sont pas dans la tête, mais hors de nous. Elles ne sont pas dedans mais dehors ”. Et grand paradoxe consécutif à cet “ être dehors ” de l’idée, c’est qu’ainsi seulement nous parvenons à penser par nous-mêmes, à être nous-mêmes. C’est dans ces courants de pensée qui traversaient Vincennes de l’époque et grâce à cette volonté de rupture avec des certitudes établies que le Dispositif de Pédagogie de Projet : intervention/insertion (DPP : i/i) s’est progressivement élaboré dans le cadre d’une recherche-action participative.

Ce dispositif repose sur une architecture spécifique combinant l'apport des groupes-projet et du grand groupe qui correspond à l’Unité d’Enseignement, un va et vient entre les sous-groupes et le grand groupe enrichissant les interactions. L'objectif du grand groupe en séances plénières est de servir de cadre aux synthèses émanant des groupes-projets eux-mêmes, à l'évaluation, à la critique, à l'exercice de la prise de parole en public, à l'auto-correction, à la pratique du débat sur des questions d'actualité. La ritualisation Grand-groupe/Groupes-projets/Grand-groupe sert de repère spatio-temporel et joue un rôle essentiel dans la structuration d'un ensemble complexe. Ce moyen de procéder est le cadre à l'intérieur duquel peuvent s'exercer les règles de morale sociale minimale. Le journal de bord hebdomadaire tenu par les participants joue lui aussi un rôle important dans la mise en place de ce savoir-être ensemble. Au centre de ce dispositif se situe le sujet, son inscription sociale et sa possibilité d’intervention. La langue est envisagée ici dans son exercice civique, comme outil d’intervention sociale.

Les projets sont collectifs, initiés par les étudiants eux-mêmes. Ils ont pour objectif d’intervenir dans des dispositifs sociaux qu’on envisage de transformer. Le changement des perspectives individuelles s’opère quand il y a confrontation entre conceptions divergentes en présence, et voire même affrontement. L’interculturalité est donc au coeur du projet puisque, aux valeurs dominantes de dispositifs sociaux donnés, viennent s’affronter, s’opposer, d’autres valeurs.

 

LES CARACTERISTIQUES DES PROJETS

1.     Ils sont initiés par les étudiants et sont menés collectivement

Le projet est l'expression d'une initiative prise par les participants eux-mêmes sur l'impulsion de l'enseignant qui vise à limiter le plus possible ses interférences dans le processus. Ce sont les étudiants qui choisissent et définissent leurs projets en se prêtant volontiers à la devise de ce cours : Soyons réalistes, entreprenons l’impossible !  Les étudiants se constituent en groupes-projet de 4 à 6 personnes qui travailleront en autonomie jusqu’à la fin du semestre. L'enseignant ne répond qu'à la demande explicite des groupes-projets. Les séances plénières du grand groupe permettent de faire le point, d'analyser les problèmes rencontrés, les stratégies d'interventions utilisées, les raisons de leur échec comme de leur réussite. Les séquences de régulation en grand groupe durent une heure environ en début et en fin de séances (4). Les étudiants tiennent un journal de bord (5) qu'ils rendent chaque semaine et qui est destiné au seul enseignant. Ce journal leur permet de développer une réflexion sur leur pratique, sur le rôle qu'ils tiennent dans le groupe, d'analyser les raisons qui freinent ou font avancer le projet. Par ailleurs, il donne à l'enseignant des renseignements précieux sur l'évolution des projets et lui permet d'avoir une vision globale de ce qui se passe dans les groupes et d'intervenir si la nécessité s'en fait clairement ressentir.

C’est à travers le groupe, par lui, que l’on apprend et que l’on met en pratique les règles de morale sociale. Lorsque commencent les ateliers de Conception et réalisation de projets, en début de semestre universitaire, un certain nombre de principes sont énoncés que les étudiants doivent respecter : écoute de l’autre, responsabilité individuelle et collective, assiduité et ponctualité. Les étudiants vont progressivement s’y conformer parce que ces principes sont soumis à l’épreuve du sens : lorsqu’un groupe est engagé dans la réalisation d’un projet commun, l’absentéisme, le manque d’attention porté à la parole de l’autre, le non-respect des engagements peuvent en compromettre l’aboutissement. Peu à peu les étudiants s’approprient ces règles, négocient leur mode d’intervention, se donnent des repères pour pouvoir travailler ensemble. Les règles édictées ne fonctionnent plus comme des formules incantatoires mais comme valeurs démocratiques structurant et garantissant un pouvoir-faire-ensemble.

Parce qu’il est unique, le projet ne peut s’accommoder de modèles pré-existants. Il va au contraire mobiliser l’imagination de chacun et la participation égale bien que différentielle de ses promoteurs. Il suppose une autre conception du rapport à la formation. On apprend avec ses pairs, dans une élaboration commune. On apprend ensemble en se mesurant aux autres, en s’affrontant aux autres, en se cognant à des modes de pensée, de représentations du monde qui peuvent parfois déstabiliser ceux qui nous sont habituels.

Le système pédagogique continue à fonctionner  sur  la mise en concurrence des individus empêchant ainsi les possibilités d’intervention collective. Au contraire, dans le groupe-projet ce sont les compétences de tous qui vont être sollicitées, mises en synergie, et chacun apportera ce qu’il peut, ce qu’il est à un moment donné de son histoire, progressant avec les autres au fur et à mesure de l’évolution du projet. Ainsi, peut-on interroger ici la place de l’étranger dans le groupe. Sa maîtrise incertaine de la langue ne sera pas vécue comme un obstacle puisque ce n’est pas elle qui est l’enjeu mais la construction d’un objet social auquel, en tant qu’individu, il participe au même titre que les autres. Et c’est progressivement, aidé par ses pairs, et dans sa confrontation permanente avec l’environnement, qu’il apprendra la langue dans le cours d’un faire, d’une pratique de celle-ci, et la compétence sociale qui nécessairement s’y rattache.

Le groupe est un groupe-sujet. De sa cohésion, de la solidarité entre ses membres, dépend son efficacité d’intervention sur l’extérieur. Il est plus difficile d’agir seul par rapport à une situation donnée si l’on veut la transformer. L’affrontement avec l’extérieur est collectif et l’inscription sociale individuelle s’opère grâce au collectif.

2. Ils sont en prise et ont prise sur l’environnement

L’ancrage du projet dans un contexte social déterminé amène les étudiants à découvrir quels en sont les rouages, les acteurs, les enjeux de tel ou tel choix. Lors d’un entretien sur le DPP :i/i, Guy Berger souligne que " le projet est conçu comme un modèle organisateur qui va structurer les rapports avec l’extérieur ". A partir du moment où un projet prend forme, il y a nécessairement négociations, confrontations, avec les instances administratives, mais aussi et surtout découverte et appréciation de groupes plus ou moins informels dont les positionnements – souvent idéologiques – influent sur les prises de décisions. Ce sont tous les rapports de force, les codes et les normes de l’institution que les promoteurs de projets vont apprendre à identifier tout en mettant en place des stratégies d’intervention qui obligeront le système, dans le meilleur des cas, à coopérer ou du moins à réagir. 

L’attitude critique vis-à-vis de l’environnement déclenche un processus de distanciation et de questionnement sur la société (6). On rejoint ici le concept de " conscientisation " de Paulo Freire pour lequel l’éducation ne peut être pensée indépendamment du pouvoir qui la constitue, ni détachée de la réalité concrète dans laquelle elle s’inscrit. Pour Freire, tout apprentissage doit se trouver intimement associé à la situation concrète vécue par l’élève. Le point de départ consiste à admettre que la liberté et la critique sont des données essentielles de la vie humaine. Le groupe de travail et d’échanges ou " cercle de culture " a pour principal objectif l’étude du langage dans le contexte d’une pratique sociale libre et critique. C’est par l’éducation en tant qu’acte politique et la " conscientisation " que l’homme pourra transformer la réalité, sa réalité. Freire oppose sa perspective à celle qu’il qualifie d’éducation bancaire, c’est-à-dire à celle qui se limite à déposer un savoir tout fait. Pour lui toute éducation doit être dialogique, basée sur les connaissances et la praxis des apprenants et fortement enracinée dans leurs contextes culturels ; une pédagogie de la liberté implique l’adoption d’attitudes démocratiques, dans le cadre d’actions partagées par tous : enseignants et enseignés (7).

3.     Ils sont générateurs de transformation sociale 

" C’est un autre modèle de penser " projet " et de penser " programme " (G. Berger). Si nous retournons à l’étymologie, " programme " signifie " ce qui est écrit à l’avance ". Nous sommes donc dans un modèle de planification, de prévisions, dans un système clos qui se construit sur une progression, des étapes préconçues. Ce qui doit advenir est déjà écrit et les actions sont prévues pour atteindre un résultat prédéterminé. Le programme segmente le temps, le découpe en unités capitalisables qui, accumulées, constitueront la totalité du contenu du programme. Fasciné par les contenus et la rentabilité, le programme tient peu compte du sujet ; celui-ci doit s’adapter pour ne pas être marginalisé.

Le projet, quant à lui, oblige à prendre en compte tous les paramètres de la situation, la multiplicité des variables. Il n’est pas défini une fois pour toute et peut se transformer en fonction des circonstances, de ce qui advient et n’était pas prévisible. Les promoteurs vont donc développer des stratégies inédites, inventer des ripostes adaptées pour répondre à l’inattendu, l’accident, la surprise. Le projet s’inscrit dans la complexité du réel. " C’est l’invention au quotidien "  (G. Berger)

Il fait aussi appel à des connaissances multiples. Il n’est pas réductible à une discipline, mais se nourrit de savoirs issus de différentes disciplines. En ce sens, ce sont les compétences diverses des participants qui seront activées pour l’élaboration collective. Il y a ainsi rupture avec l’enfermement disciplinaire, la séparation des savoirs, l’individualisme.

Son élaboration, son aboutissement repose sur des sujets, pensants, libres, " qui ont leur mot à dire ". Dans cette optique, si le groupe-projet accepte l’émergence d’un " leader " qui catalyse les désirs de chacun, dynamise les engagements, au contraire l’imposition d’un chef autocratique devient problématique. Le " chef " s’inscrit dans la programmation, dans la prévision. Il structure le temps en fonction de la vision qu’il se fait du projet, balaye les suggestions qui vont à l’encontre de ses idées. Réduits à l’état de simples exécutants, les autres participants ont le choix entre la défection et, dans ce cas, le projet risque d’échouer – ou ils se repositionnent en tant que sujets, porteurs d’idées, de valeurs et d’engagement. Quant au “ chef ”, il peut soit abdiquer, soit, dans le meilleur des cas, coopérer. On est là dans un apprentissage de la citoyenneté.

4.     L’interculturalité se construit à travers le projet

Les participants sont français et étrangers venus des cinq continents, d’origines sociales diverses, d’âges fluctuant entre 18 et 40 ans voire 50 – étudiants en licence, master ou thèse — de cursus très variés – lettres, arts, informatique, philosophie, sciences politiques, etc.

Cette hétérogénéité est vécue comme un élément moteur d’apprentissage. Elle crée une dynamique dans les interactions, multiplie les échanges, provoque des conflits dont la régulation s’effectue rarement au cours d’un dire mais plutôt dans le faire du projet. En effet, ce n’est pas la connaissance que l’on acquiert d’une différence dite " culturelle " qui permet réellement de comprendre ce qui est en jeu. Il ne suffit pas de savoir que les êtres humains ont une appréhension du temps qu’E.T.Hall qualifie de polychrome ou de monochrome, selon leur culture d’appartenance, pour saisir le rapport à la temporalité des sujets concernés. Ce n’est que dans la tension vers une réalisation commune, importante pour chacun des partenaires, que seront vraiment éprouvées les conséquences de philosophies qui semblent divergentes. Le désir qu’aboutisse le projet obligera les protagonistes à entrer dans un processus de négociations dans lequel personne ne devra perdre la face ou n’aura l’impression d’avoir abandonné sans contrepartie ce qui appartient à son identité.

Les échanges qui se produisent lors des travaux de groupe portent les marques d’appartenance culturelle de leurs locuteurs, leurs préjugés, leurs interrogations ou leur agressivité parfois, face à l’altérité dérangeante. Cependant les dérapages de la communication ne relèvent pas seulement du culturel mais aussi du social : position que l’on occupe, capital culturel, valeur plus ou moins prestigieuse accordée à sa propre culture et à celle de l’autre. C’est dans un projet élaboré en commun que les acteurs découvrent comment ils sont perçus à travers leur façon de gérer le quotidien, d’interpréter des situations, de développer des stratégies, d’aborder les problèmes. Il s’agit alors, dans ce processus d’élaboration commune, de permettre à chacun de prendre conscience qu’il n’existe pas de comportement culturel universel, que chacun arrive avec un passé, une histoire qui participe de l’histoire d’un pays et d’une société en rapport avec d’autres histoires et d’autres sociétés.

L'interculturalité implique une avancée de soi vers l'autre, de l'autre vers soi, un changement dans ses représentations, une transformation qui s’opère dans un processus commun de confrontation à la réalité, à d'autres réalités. Cette acceptation ne peut se développer que dans une entreprise menée collectivement, initiée par ses acteurs, prenant une place et un sens dans leur vie, dans un projet construit en commun.

C’est dans cette dynamique de mise en œuvre de projets communs qu’un lien social peut se créer entre des personnes qui ne partagent pas la même nationalité, la même langue maternelle, les mêmes origines sociales. Le rôle de l’enseignant change radicalement et le projet peut se comprendre comme l’exercice d’un lien qu’on décrira comme non-autoritaire, non-pyramidal et non-institutionnel. Et c’est précisément grâce à cet échange et cette liberté partagée que la constitution de réseaux pourra avoir lieu spontanément : désir de rester en contact, de poursuivre l’aventure intellectuelle et affective, qui va amener tout naturellement au désir de se retrouver dans le pays de l’autre pour un temps plus ou moins long pour poursuivre et construire d’autres projets. Cette pédagogie suppose un déplacement permanent des enjeux, des énergies, des perspectives pour conserver sa dynamique. D'où l'aspect souvent rhizomatique des dispositifs à travers le temps et l’espace. Que notre enseignement ait trouvé son terreau d'élection à Vincennes ne peut être dû au hasard. Gilles Deleuze avait préconisé le bon usage du rhizome. L'enseignement tel que nous le préconisons, participe de cette prolifération imprévue dont les rigidités institutionnelles s'accommodent si mal.

 

LE “ DPP : i/i ” : EXEMPLES DE PROJETS REALISES

Sans doute est-il tout d’abord nécessaire de rappeler le lien existant entre le Dispositif de Pédagogie de Projet : intervention/insertion (DPP :i/i) et Centre Interculturel. Le CIVD* est une association loi 1901 domiciliée à l’Université Paris 8-Vincennes à Saint-Denis et gérée par des étudiants. Il a été créé en 1984, suite à un premier festival interculturel organisé par les étudiants dans le cadre des ateliers Conception et réalisation de projet, du département de Communication/français langue étrangère de Paris 8. Il est né du désir de perpétuer l’esprit de Vincennes et de rappeler à Paris 8 sa vocation d’internationalisme plus particulièrement tournée vers le Tiers-Monde, pour que notre université ne soit pas seulement un lieu fonctionnel d’études, mais une réalité sociale où se développent des liens actifs et vivants entre des personnes différentes (enseignants, personnels administratifs et étudiants venus de toute la planète). Ce Centre permet aux projets qui ont émergé des ateliers d’y trouver un prolongement. C’est un lieu à vocations multiples : lieu d’insertion et de création, de formation, de production et d’édition, de recherche interculturelle et de rayonnement à l’étranger (8).

 

De nombreux projets y ont vu le jour : Le Triangle de l’Ecumeur, constitution d’un réseau international inter-universitaire de rencontres et de réflexion sur la notion d’interculturalité et d’interdisciplinarité (9); organisation du Festival interculturel annuel dans l’enceinte de l’université (10); installation de bibliothèques au Togo et au Sénégal ; publication d’une revue semestrielle, Echo-graphie, de deux fanzines Beurk et La Gouve, d’une revue de poésies interculturelles, Le Matin déboutonné (11) ; participation à un séminaire de préparation du contrat quadriennal déterminant la politique de l’université (note 8: une pédagogie critique à l’université); création d’un site internet Etudiants sans-papiers lors de la lutte pour la régularisation la situation d’étudiants étrangers en 2000-2001 ; des journées à thèmes : Info sida en relation avec la médecine préventive, Lib’air ta pensée journées commerce équitable; création d’associations loi 1901 telles que le CIVD, TVNERE (“ Une télévision étudiante à la fac ”), Erê brasil (défense des éducateurs et enfants des rues à Rio) et, la dernière en date, L’ong L’AMAP, Amitié des peuples du monde (12).

 

L’AMAP est née en 2004, à la suite de la célébration du 20ème anniversaire du CIVD marquée par un grand festival interculturel (13). Parmi ses trois axes d’action, L’AMAP organise des formations à la pédagogie de projet dont les premières ont eu lieu au Chili et en Algérie (cf. le site de L’AMAP). Son objectif est de mettre à profit l’extraordinaire réseau international tissé à travers le temps et à travers le monde pour poursuivre et amplifier le type d’actions que les ateliers de projets et la CIVD développent depuis des années. Il existe déjà L’AMAP-Chili et L’AMAP-Grèce. D’autres antennes sont en voie de constitution au Sénégal, au Togo, en Haïti. La création de L'AMAP résulte d'une exigence : sortir des murs de l’université, de l’artificieux, pour projeter, se projeter . “ C’est cette ouverture au monde et à l’avenir que suscite le projet. Le politique n’est pas dans l’artifice. Le politique, c’est ce qui crée des rapports nécessaires pour qu’on puisse exister ensemble ” (Guy Berger).

 

Ce qui frappe, c’est l’extraordinaire prolifération de projets à travers le temps et les liens qui se sont tissés à travers le monde. J’ai parlé ailleurs du rhizome au sens où l’entend Gilles Deleuze. Ce que nous mettons en place se développe de façon imprévisible et souterraine et donne des prolongements et des resurgissements inattendus, ici et là, en France et ailleurs. Qui aurait pu imaginer que ce dispositif engendrerait un jour une ONG ?  Nous restons fidèles à notre devise : Soyons réalistes, entreprenons l’impossible ! 

 

CONCLUSION

 

Réfléchir, aujourd’hui, sur les formes actuelles de la pratique pédagogique entraîne nécessairement un retour au politique. Un aspect trop souvent négligé est le manque de motivation des étudiants résultant de l’absence d’ancrage des études dans la vie et du sens que l’université donne à leur vie. Bernard Charlot, dans sa contribution écrite pour un séminaire de préparation du contrat quadriennal 1996-2000 de Paris 8, soulignait que "pour un nombre croissant d’entre eux, l’université est vécue davantage comme un lieu d’acquisition de diplômes que comme un lieu de culture, comme un lieu fonctionnel spécifique dans une vie éclatée entre plusieurs espaces que comme le territoire de base du quotidien. Il est donc plus difficile à l’université de remplir une fonction culturelle au-delà des cours et d’être lieu de vie, c’est-à-dire un lieu d’élaboration de sens (du monde, de la vie, de la société, du rapport aux autres, du rapport à soi-même). /…/ L’université pourrait redevenir lieu de vie et de culture si elle contribuait à produire du sens – au-delà des cours, où il faut espérer qu’elle le fait ”. A cet effet, parce qu’elle tisse des liens, qu’elle tend à transformer la réalité sociale, que les étudiants y sont réellement acteurs, la Pédagogie de projet telle que nous l’entendons, peut contribuer à cette recherche et construction de sens qui fait tellement défaut aujourd’hui à l’université.

 

Notes

(1) “ Tout projet éducatif exprime nécessairement une position politique et suppose des choix, des options, la traduction d’une vision du monde, et, par conséquent d’un projet de société (…). Le pédagogique est indissociable du politique ”. (Ardoino, Education et politique)

(2) Couëdel, A. (1981) “Vivre la langue. De la communication à la langue"”, Champs éducatifs n°3. Actes du 2ème colloque international organisé par le G.R.A.L.,Groupe de recherche sur l’acquisition des Langues, de Paris 25-27 avril 1980.

Voir également dans Google l’entretien d’Annie Couëdel avec Sabrina Ben Karich à « DPP :i/i »)

(3) Une journée “Apprendre avec Deleuze ” en mai 2007 s’est déroulée à Paris 8

(4) Les séances durent 6h consécutives un jour par semaine sur un semestre de 13 semaines

5) Blondeau, N., Couëdel, A. (2000) "Pédagogie de projet, journal de bord et appréhension de la diversité culturelle", Dialogues et Cultures n°44 (2000) De la Diversité, Numéro préparatoire au X° Congrès Paris 2000 – FIPF (Fédération internationale des professeurs de français)

(6) Blondeau, N. et Couëdel, A (2002) "Une pédagogie critique à l'université", Pratiques de formation/analyses n°43, De la critique en éducation. Formation permanente, Université Paris 8.

(7Freire, P. (1977) : Pédagogie des opprimés, Paris, FM, Petite Collection, Maspéro

(8Couëdel, A. (1998) "Pratiques sociales et acquisition d'une langue seconde. Pédagogie de projet et réseaux", actes du colloque international : Bilinguisme et apprentissage des langues dans le cursus scolaire et universitaire "Du hasard et de la nécessité", Centre international de Valbonne

(9) Couëdel, A., Blondeau, N., France, Kalentieva, T., Russie : (2001) : “ Interculturalité et lien social – Un dispositif de rencontres internationales : Le Triangle de l’Ecumeur ” in Dialogues et cultures n°45, Actes du Xème congrès mondial des professeurs de français, Paris, 17-21 juillet 2000, Modernité, diversité, solidarité, Tome 1.

(10) http://www.pitt.edu/~frit/ancrage/ancrage2/couedel.html

(11) http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=640)

(12) http://amitie-peuples.net

(13) http://civdparis8.monsite.wanadoo.fr

http://julienas.ipt.univ-paris8.fr/~civd/

 

*Le CIVD participe au programme LEONARDO-ERMES « Education radiophonique avec les migrants européens et leurs savoirs » avec des partenaires italiens, roumains et hollandais. Cinq de ses membres sont partie prenante de ce programme : Olivier Akakpo Guétou, Assane Diakhaté, Gergana Dimitrova, Aurélie Donadi et Khaled Merichiche. Ils sont étudiants à Paris 8 en sciences de l’éducation en master et en doctorat. Olivier est président du CIVD. Il vient de succéder à Assane. Gergana est responsable permanente de l’exposition de peintures du festival interculturel annuel, Aurélie a participé au projet qu’Assane a initié à Darou Mousty, au Sénégal (la construction d’une bibliothèque) et Khaled au projet « Le Triangle de l’Ecumeur »  en 2004, en Bulgarie.

Lors d’une rencontre-débat à Paris 8 en février 2008 avec Jean-Marie Bockel, Secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie et Jean-Christophe Rufin, ambassadeur de France au Sénégal, le Président et les Vice-Présidents de notre université. Olivier Akakpo-Guetou, Assane Diakhaté ainsi que Bocar Kane, également membre du CIVD et de l’ONG L’AMAP, ont été remarqués par l’aisance dans leurs interventions qui ont fait mouche !

 

 





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